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Camille revendique le droit à la différence

« Vous n’êtes pas seuls au monde »

Camille, 19 ans, porteuse du gène de la trisomie 21, ressent sa différence dans le regard et les propos des autres. Elle fait de la lutte contre la discrimination son combat au quotidien depuis toute jeune.

Camille est la petite dernière de la famille. Ses trois sœurs, plus âgées, ont déjà quitté le cocon maternel dans le quartier de la Ternière. Elle, elle le souhaite aussi. « Je veux travailler dans la restauration, être actrice, avoir mon petit appartement et un amoureux… ». Même si ce sera, sans doute, un peu plus difficile pour elle, Camille est une battante pétillante. Au fil des rencontres, on la sent déterminée, prête à soulever des montagnes pour bousculer les préjugés.

« Donner la pêche aux gens en restant moi-même »

Camille est « différente », elle le sait, et crie aux gens dits normaux : « Vous n’êtes pas seuls au monde ! ». La jeune femme révoltée d’aujourd’hui l’était déjà toute petite. Après la maternelle dans l’école Jean-Piaget, elle entre en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) à Saint-Antoine à Angers. « J’avais deux copains, Pierre et Andréa, comme moi atteints de trisomie. Dans la classe, ils ne parlaient pas car on se moquait de nous. On nous appelait des « Mongoles » ». C’est le déclic pour Camille. À la fête de Noël de l’école, à 7 ans, elle prend le micro devant les enseignants, les élèves et les parents. « Je n’avais pas peur. J’ai expliqué à tout le monde qu’il ne fallait pas se moquer de nous trois ». Surprise et grosse émotion dans les rangs.

Camille poursuit sa scolarité au collège Saint-Charles. « Elle est la 1re enfant atteinte de trisomie accueillie dans cet établissement et sera la seule sur 800 élèves », souligne Michèle, sa maman. Le poids des regards est toujours présent ; les mots, les railleries aussi. Ni une ni deux, Camille demande à ses professeurs de faire un exposé sur la trisomie 21. Elle passera dans différentes classes de 6e, 5e et 4e, présentant son caryotype, expliquant sa différence.

Elle quitte le collège pour un Institut médico-éducatif (IME) de Saint-Hilaire-Saint-Florent, près de Saumur. Les résidents sont adolescents ou jeunes adultes, aux pathologies très différentes. « C’est difficile. Je subis des agressions physiques ; je suis victime de vols ». Elle a quitté cet institut, en juin dernier, afin de se rapprocher de sa famille. Elle poursuit désormais ses études à l’IME des Ponts-de-Cé.

Mais Camille s’évade surtout dans la pratique des arts où elle se donne à fond. Dès l’âge de 7 ans, elle intègre les ateliers danse de la Maison des jeunes et de la culture. Depuis quelques années, elle danse aussi avec Marie-France Roy et l’association Résonnance, où danseurs « ordinaires » et danseurs « extraordinaires » partagent le plateau. « C’était très impressionnant de danser au théâtre d’Angers. Lorsque nous avons découvert la salle depuis la scène, à l’ouverture du rideau, j’étais surprise et heureuse. Quand je danse, je souhaite donner la pêche au public, tout en restant moi-même ». Après la création Duos côté jardin et côté cour, la troupe de Résonnance donnera Comme un écho, jeudi 5 novembre prochain, salle Chabrol à Angers.

Camille est aussi actrice, on a pu la voir aux 400 Coups et au Gaumont. Ce rêve se réalise grâce à une rencontre avec Tarik Ben Salah, le président de l’association HandiMaine. Celui-ci réalise des films qui mettent en avant, de manière volontaire, la différence pour faire évoluer les mentalités, changer les préjugés. « Pour y parvenir, le court-métrage nous semble l’outil vidéo par excellence, explique Tarik Ben Salah. Pour toucher directement le spectateur, nous faisons jouer des acteurs en situation de handicap, qui racontent leur propre histoire dans une histoire ! ». Ainsi, dans sa propre histoire, Camille a tenu le rôle principal d’Entre les mots. Cette semaine, elle participe au tournage d’un 3e court-métrage, Jo, sur le thème de l’autisme. « J’espère que les gens vont changer leur regard sur nous. C’est important », conclut la jeune femme qui vient de présenter son film à des ados des collèges de Saint-Sylvain-d’Anjou, toujours auto investie de cette mission de reconnaissance des différences.

Source : article du Courrier de l'Ouest du 29 octobre 2015